Nous, journalistes respectueux-ses des valeurs démocratiques, considérons qu’il n’y a pas à débattre avec les personnes prônant des idées fascistes, racistes, xénophobes, sexistes, homophobes et négationnistes mais seulement à les combattre et/ou les invisibiliser.

En ces temps de campagne présidentielle qui véhiculent toujours plus d’idées nauséabondes et contraires au respect des droits humains, nous, journalistes socialement engagé-es pour la défense de ces droits fondamentaux, nous désolidarisons des grand-es patron-nes de médias, directeurs et directrices de rédaction, animateurs et animatrices, chroniqueur-ses, confrères et consœurs qui tendent avec jubilation micros et caméras à des personnalités publiques vomissant leur haine de l’autre. Personnalités dont l’une a déjà été condamnée par la justice pour provocation à la haine raciale.

Nous sommes conscient-es que bon nombre de nos confrères et consœurs qui travaillent pour ces médias, s’ils et elles demeurent silencieux-ses pour des raisons qui leur appartiennent, notamment dues à la précarité grandissante du métier, ne sont pas en accord avec cette pratique du journalisme qui consiste à créer un ou des monstres. Il est clair que certain-es ont essayé de le faire savoir à leur hiérarchie. Nous leur apportons notre soutien par cette tribune et les invitons à signer sous pseudonyme s’ils et elles le souhaitent.

Nous, journalistes, considérons par ailleurs que les grand-es patron-nes de médias, directeurs et directrices de rédaction, animateurs et animatrices, chroniqueur-ses, confrères et consœurs qui ont créé ce gouffre professionnel et éthique, cette insulte au métier, en toute connaissance de cause, jouent délibérément un rôle dans la montée du fascisme, du racisme, de l’antisémitisme, des LGBTQIphobies et de la misogynie en France et qu’ils et elles en seront en partie responsables. Offrir à ces personnes un boulevard pour leurs agendas, leur proposer tribunes, articles et émissions dans des dizaines de médias contribue à répandre et banaliser ces idéologies haineuses, et à façonner des candidat-es et des opinions.

Nous, journalistes respectueux-ses des valeurs démocratiques, considérons qu’il n’y a pas à débattre avec les personnes prônant des idées fascistes, racistes, xénophobes, sexistes, homophobes et négationnistes mais seulement à les combattre et/ou les invisibiliser. Et que cela est aussi le rôle des journalistes de ne pas faciliter ces diatribes hideuses.

Nous, journalistes, choisissons de nous placer du côté des droits humains, des droits de toustes les humain‧e‧s. Nous ne parlons pas à la place des personnes concernées mais pouvons aider à la prise en compte de la parole de celles et ceux dont la voix est méprisée ou invisibilisée. Nous pouvons contribuer à la rendre audible. Nous sommes du côté de celles et ceux que les politiques et leurs décisions désignent comme les « minorités », alors que ces minorités représentent en réalité la majorité des citoyen-nes de ce pays. Nous assumons notre subjectivité et nous plaçons donc du côté des personnes précaires, des personnes persécutées, opprimées et marginalisées, des personnes LGBTQI+, des travailleur-ses du sexe, des personnes racisées, des juif·ve·s et des musulman·e·s de France, des migrant·e·s, des personnes victimes de violences policières.

Par les paroles que nous portons, les images que nous filmons, les reportages que nous montons, les articles que nous écrivons, nous nous positionnons aux côtés de celles et ceux qui vivent ce que nous décrivons et non du côté des faiseurs et faiseuses de buzz et d’audimat au mépris du respect des valeurs humanistes et des identités multiples.

Ce métier que nous faisons chaque jour avec intégrité et professionnalisme ne peut être un tremplin pour les idées d’extrême droite, idées qui excluent de fait les personnes susnommées. Si la neutralité journalistique n’existe pas, la subjectivité, elle, tout comme la liberté d’expression, ne peuvent en aucun cas servir de caisse de résonance aux pires moments de notre histoire pour en faire un revival infect, simplement pour le plaisir de l’audience.

Vous, grand-es patron-nes de médias, directeurs et directrices de rédaction, animateurs et animatrices, chroniqueur-ses et journalistes qui acceptez de recevoir ces personnes ad nauseum, êtes complices de la pire des idéologies. Vous la portez, la banalisez, la sublimez, la valorisez, l’encouragez.

Nous ne pouvons rester les bras croisés face à cette perversion de notre métier et à la surenchère actuelle. Nous continuerons à porter nos valeurs, fussent-elles plus difficiles à faire entendre du fait de la puissance de frappe de certains médias mainstream. Mais aujourd’hui existent heureusement en France un certain nombre de grands médias indépendants qui ont fait ce choix d’être socialement et humainement engagés, et nous les en remercions.

Nous, journalistes, sommes très au clair sur nos combats : la haine, l’exclusion, les discriminations tuent. Les mensonges portés par vos champions instillent un climat aussi anxiogène que dangereux dans l’agenda politique et polarisent les opinions de manière dramatique.

Nous, journalistes promoteurices des droits humains, combattrons ces idées rances et dangereuses.

Nous, journalistes promoteurices des droits humains, ne nous tairons pas.

Elsa Gambin, Julie Chansel, Gaspard Glanz, Laure Dasinieres, Martin Clavey