En droite ligne du New Deal technologique du président sénégalais Bassirou Diomaye Faye, et de son premier ministre Ousmane Sonko, la deuxième édition de la Semaine de l’Agritech Tunisie-Sénégal marque une intensification de la coopération interafricaine sur les enjeux d’innovation agricole. Alors que l’Agenda 2050 de l’Union africaine place la souveraineté alimentaire au cœur de la transformation économique du continent, cet événement illustre une convergence stratégique entre acteurs publics et privés pour une agriculture intelligente, résiliente et intégrée aux chaînes de valeur mondiales.
Organisée à Dakar par Stecia International dans le cadre du programme Digital Tunisia, avec le soutien de l’Agence Française de Développement (AFD) via le fonds Qawafel, la rencontre mobilise six entreprises tunisiennes autour de solutions technologiques concrètes. Qu’il s’agisse de capteurs intelligents, d’irrigation laser, de plateformes digitales ou de bioénergie issue de déchets agricoles, ces innovations visent toutes à renforcer l’autonomie productive des exploitations africaines face aux défis du climat, des marchés et de l’emploi rural.
La conférence de presse officielle, tenue hier à Dakar par Stecia International, avec la présence officielle l’ambassadeur de la Tunisie au Sénégal et les principaux partenaires institutionnels du programme: l’ADEPME, Sénégal Digital, et les six startups tunisiennes. L’ensemble des intervenants ont mis en avant l’importance de ce modèle de coopération Sud-Sud fondé sur l’action, le transfert de compétences et la mutualisation des expertises.
La directrice de Sénégal Digital a souligné que cet événement s’inscrivait dans les priorités stratégiques du gouvernement pour le renforcement des chaînes de valeur agricoles numériques, insistant sur le rôle de la data, de la connectivité rurale et de la formation des jeunes. L’ADEPME, pour sa part, a salué une initiative qui « matérialise la convergence entre l’agriculture, la technologie et l’entrepreneuriat local », et a réaffirmé son engagement à soutenir l’incubation et la montée en échelle des solutions africaines.
Cette édition s’inscrit dans une dynamique plus large, portée par le gouvernement sénégalais, autour du New Deal technologique, qui entend transformer structurellement le secteur primaire en alliant innovation, souveraineté et industrialisation locale. Selon les projections de l’Agenda 2050, près de 60 % de la population africaine dépendra encore de l’agriculture en 2035, rendant urgent le basculement vers des modèles productifs durables.
La Banque Africaine de Développement (BAD) estime à plus de 80 milliards de dollars les besoins annuels d’investissement dans les infrastructures et les technologies agricoles sur le continent d’ici à 2030. Dans ce contexte, la participation de startups comme Bio Heat, Smart Farm ou NextAV apporte une réponse ciblée, fondée sur l’ingéniosité et l’ancrage territorial.
Le Sénégal, en particulier, a fait du secteur agro-technologique un levier stratégique de son développement. Le ministère de l’Économie indique que les investissements publics pour l’agriculture numérique passeront de 220 milliards de FCFA en 2024 à 550 milliards en 2026, soit une hausse de 150 % en deux ans. Cette orientation est soutenue par les bailleurs bilatéraux, dont l’AFD, qui accompagne plus de 47 projets liés à la transition agro-écologique en Afrique de l’Ouest, dont 12 au Sénégal.
Les échanges commerciaux entre la Tunisie et le Sénégal, en hausse constante depuis 2021, ont atteint 158 millions d’euros en 2023, confirmant le Sénégal comme premier partenaire subsaharien de la Tunisie. Cette croissance, saluée par l’ambassadeur de Tunisie à Dakar, Rachid Saidani, est alimentée par des missions économiques ciblées, des accords de coopération technique et une stratégie partagée de valorisation des compétences africaines.
Des visites de terrain sont également prévues dans les régions de Dakar et Thiès, afin de tester et adapter certaines technologies comme l’irrigation laser de Laboratoire Laser Afrique ou la plateforme intelligente Weefarm de Verdanova Solutions, spécifiquement conçue pour les besoins des agriculteurs sénégalais.
Au terme de cette semaine d’échanges, les partenaires ambitionnent de lancer un cadre bilatéral de co-développement agritech, avec des volets formation, R&D, financement et interopérabilité numérique. Ce modèle collaboratif préfigure une Afrique où la souveraineté alimentaire ne dépend plus des importations, mais bien de la capacité des nations africaines à innover ensemble. Zaynab SANGARÈ