Dans un contexte international marqué par la fragmentation géopolitique, l’affaiblissement des institutions et l’accélération des transformations technologiques, le Future Risks Report 2025 d’AXA dresse un état des lieux particulièrement préoccupant des risques qui façonnent notre avenir économique et sociopolitique. Réalisé à partir de l’analyse croisée de milliers de réponses d’experts et du grand public dans plus de 50 pays, ce rapport dèmontre un monde de plus en plus vulnérable, où les dynamiques de long terme, comme le changement climatique ou la démographie, sont supplantées dans les préoccupations par les risques immédiats d’instabilité.
Selon l’étude, une écrasante majorité d’experts (95 %) et une large part du grand public (93 %) estiment que le niveau de risque global a augmenté ces dernières années. Dans le même temps, la confiance envers les autorités nationales s’effondre, seuls 19 % des experts et 16 % des citoyens déclarant faire pleinement confiance à leur gouvernement pour gérer les crises à venir. La polarisation sociale s’intensifie également de 74 % des experts et 59 % du grand public considèrent que leur pays fait face à un clivage social profond et inquiétant, alimenté principalement par les inégalités économiques et les fractures idéologiques.
En matière de hiérarchisation des risques, le changement climatique demeure en tête des préoccupations, mais l’écart se resserre avec les enjeux géopolitiques, technologiques et économiques. Le classement des dix principaux risques établi par les experts pour l’année 2025 maintient le climat en première position, suivi de près par l’instabilité géopolitique, la cybersécurité, l’intelligence artificielle et les tensions sociales. Toutefois, l’émergence notable des risques macroéconomiques, désormais classés en septième position, traduit une inquiétude croissante liée aux guerres commerciales, à la démondialisation et à la fragmentation des chaînes de valeur.
Le rapport révèle par ailleurs que 84 % des experts et 79 % du grand public perçoivent un risque élevé de conflit mondial, illustrant l’ampleur des tensions géopolitiques. L’Europe, traditionnellement plus focalisée sur les enjeux climatiques, voit pour la première fois les experts classer l’instabilité géopolitique comme le risque numéro un. Cette inquiétude est d’autant plus marquée qu’elle s’accompagne de conséquences économiques directes de 39 % des experts et 30 % du public évoquent les guerres commerciales et les perturbations de l’approvisionnement comme les principales sources d’impact négatif.
Sur le plan financier, la crainte d’une défaillance des marchés prend de l’ampleur. Les risques pesant sur la stabilité financière se hissent au neuvième rang mondial, portés par des préoccupations liées aux fragilités systémiques du système bancaire et à la volatilité persistante des marchés. Seuls 21 % des experts considèrent que les gouvernements sont préparés à répondre efficacement à une crise financière d’ampleur, un recul notable par rapport aux années précédentes.
Les risques technologiques, quant à eux, confirment leur ancrage parmi les menaces systémiques majeures. La cybersécurité se maintient à la troisième place du classement, avec 71 % des experts et 70 % du public déclarant se sentir vulnérables au quotidien face aux cyberattaques. La crainte d’une cyberguerre ou d’interruptions massives de services critiques domine particulièrement en Europe. L’intelligence artificielle, classée en quatrième position, alimente également une double inquiétude avec 43 % des experts et 50 % du grand public redoutent qu’elle menace les droits humains fondamentaux, tandis qu’une immense majorité (89 %) souligne la concentration excessive de ce secteur, dominé par trois entreprises américaines, Amazon, Microsoft et Google qui contrôlent à elles seules 67 % du marché mondial du cloud.
Le vieillissement démographique, souvent relégué au second plan, fait cette année son entrée dans le top 10 des risques, témoignant d’une prise de conscience quant à ses effets systémiques. L’évolution des structures d’âge est décrite comme une bombe à retardement par les experts, avec 93 % d’entre eux estimant qu’elle entraînera une hausse des coûts de santé dans la prochaine décennie. Plus inquiétant encore, 80 % des experts anticipent un risque important d’effondrement des systèmes de retraite et 74 % évoquent un risque similaire pour les systèmes de santé, notamment dans les pays développés.
Le paradoxe du changement climatique, bien qu’il reste en tête du classement, réside dans le recul progressif de sa priorité perçue. En 2025, seulement 55 % des experts le placent parmi les cinq risques principaux, contre 63 % l’année précédente. Cette baisse relative s’explique en partie par une focalisation croissante sur les risques immédiats, notamment les catastrophes naturelles, plutôt que sur les mécanismes structurels d’adaptation à long terme. Seuls 12 % des experts et 32 % du public estiment que les pouvoirs publics sont bien préparés face à l’ampleur du défi climatique, un score historiquement bas depuis la création de l’étude.
Enfin, le rapport souligne l’importance croissante du rôle des assureurs et des acteurs privés dans la prévention et la gestion des risques. Près de 90 % des experts estiment que les compagnies d’assurance ont un rôle stratégique à jouer, non seulement dans le transfert de risque, mais aussi dans la mise en œuvre de solutions de prévention et de résilience. Le soutien au tissu économique face à la complexité des menaces mondiales, qu’elles soient naturelles, technologiques ou géopolitiques, est aujourd’hui perçu comme un levier d’action décisif pour limiter les impacts futurs.
À travers cette cartographie globale des vulnérabilités émergentes, le Future Risks Report 2025 offre une lecture précieuse des tensions structurelles qui pèsent sur l’économie mondiale. Dans un environnement de plus en plus instable et interconnecté, les enjeux de prévoyance, de régulation et de coopération internationale se posent plus que jamais comme des impératifs économiques et politiques majeurs. Zaynab SANGARE