Le secteur de la pêche génère un chiffre d’affaires de plus d’environ 278 milliards avec une valeur ajoutée estimée à 80 milliards dont 60% sur le segment de la capture et 40% sur la transformation soit 11% du PIB primaire et 3,2% du PIB total milliards de francs CFA. Depuis 1960, le secteur de la pêche au Sénégal est confronté à une exploitation abusive des ressources halieutiques, exacerbée par l’octroi de licences de pêche à des partenaires étrangers. Ces dernières décennies ont été marquées par des pillages incessants et une surexploitation des ressources, dénoncés à chaque alternance gouvernementale. Pourtant, ces dénonciations n’ont mené qu’à des mouvements de protestation, des discours politiques et des constats, sans réelles actions concrètes. Le népotisme au sein du secteur a été largement décrié par les acteurs de la pêche, tandis que la délivrance non transparente des licences a suscité de nombreuses plaintes, notamment adressées à l’OFNAC, malheureusement sans succès.

Les pêcheurs sénégalais, ne parvenant pas à accéder aux ressources halieutiques, ont vu nombre de leurs jeunes partir en quête d’un eldorado ailleurs. Cependant, l’arrivée d’un nouveau gouvernement semble avoir insufflé un vent de changement. En effet, un pas significatif a été franchi avec la publication des listes des détenteurs de licences de pêche sur les côtes sénégalaises.
Ce jeudi 30 mai 2024, le Groupement des Armateurs et Industriels de la Pêche au Sénégal (GAIPES), en collaboration avec le Forum Civil, a organisé un atelier sur les enjeux de cette transparence nouvelle dans un hôtel de Dakar. Lors de cet atelier, les différentes espèces pêchées, les types de licences, ainsi que les circuits d’octroi et de renouvellement des licences ont été minutieusement exposés.
Fatou Niang, vice-présidente du Groupement des Armateurs et Industriels de la Pêche au Sénégal (GAIPES), a exprimé son indignation face à la gestion non transparente des licences de pêche par les autorités sénégalaises, mettant en lumière une crise profonde et persistante.

Lors de sa déclaration, Fatou Niang a révélé que GAIPES a entrepris une campagne de sensibilisation, alertant le Président de la République, le Président de l’Assemblée Nationale, l’ambassadeur de l’ONU, et divers partenaires internationaux, y compris la Banque Mondiale. Malgré ces efforts, aucune licence n’avait été officiellement signée par le Ministre délégué. Pourtant, les licences ont été progressivement intégrées, atteignant une situation critique en 2024.
« En 2024, nous comptons 43 bateaux de pêche en profondeur, alors qu’il n’y avait que deux bateaux en 2019. Cette augmentation exponentielle n’a été soutenue par aucune étude démontrant une ressource suffisante pour justifier un tel nombre de navires », dénonce Fatou Niang. Elle souligne également l’infiltration de bateaux aux antécédents de pêche illégale, qui menacent gravement l’écosystème et l’économie locale.
La vice-présidente de GAIPES a décrit un passé marqué par la présence de navires russes opérant sur le pavillon, repérés pour la première fois en 2012. Ces navires, qualifiés de « monstres », opéraient clandestinement, échappant à toute réglementation et surveillance. En 2011, des autorisations de pêche, considérées comme frauduleuses, avaient été accordées à ces navires peu avant les élections de 2012, mais ces autorisations avaient disparu après quelques mois.

« On peut se cacher de la bête. On peut se cacher de l’immatriculation. On peut se cacher des zones de pêche. Mais ce que nous voyons dans la baie, nous sommes dans la baie au moins 10, nous les voyons de près, nous les voyons de loin, nous les voyons dans la baie, ils dévorent tout, sauf la mer. Et les bateaux de pêche traditionnelle de la pêche industrielle, ainsi que les bateaux, les croisaient régulièrement dans des zones qui étaient moins que celles de la pêche en eaux profondes sur des bateaux de pêche. Et sans avoir la liste des organismes de bienfaisance, personne ne pouvait affirmer avec certitude que ces bateaux pêchaient en dehors de la zone qui devrait les concerner. Personne ne connaissait leur licence. Personne ne savait rien de ces bateaux. Sauf que ce n’était pas un, deux ou trois bateaux, c’était une bonne centaine de bateaux. » décrit-elle.
Fatou Niang ajoute que ces centaines de bateaux, introduits rapidement en 2019 et 2024 ont valu une carte jaune de l’Union Européenne. Et une suspension de l’Union Européenne aurait des conséquences désastreuses pour toute la pêche. Car aujourd’hui, les produits à haute valeur ajoutée, comme le poulpe, le poisson séché et les crevettes, qui ne sont pas vraiment consommés au Sénégal, sont exportés vers les États-Unis et d’autres pays. Nous avons une expertise dans le secteur de la pêche. Dans la région subsaharienne, il est rare pour le Sénégal d’avoir des accords pour exporter des produits transformés vers l’Union Européenne et les États-Unis. Et ce ne sont pas des produits qui sont consommés ici. Donc les conséquences pour l’économie, en termes de distribution des biens, en termes de main-d’œuvre, en termes d’immigration, sont énormes. Car la pêche aujourd’hui est un poumon de notre économie. Ce n’est pas seulement un secteur économique, c’est un secteur social.

Pour restaurer la transparence et la durabilité du secteur, la vice-présidente de GAIPES appelle à une mise en lumière complète des activités de tous les bateaux opérant dans les eaux sénégalaises. « Nous devons vraiment mettre ce secteur à plat, pour savoir qui fait quoi, et ne laisser aucun doute sur la prise des bonnes décisions », insiste-t-elle.
La pêche illicite, accompagnée de l’occupation anarchique de bateaux dont la nationalité est frauduleuse et des prête-noms, est un problème préoccupant. Le GAIPES a dénoncé ces pratiques illégales en citant notamment des navires étrangers impliqués dans des activités frauduleuses.

Dans un rapport rédigé par Tafsir Malick NDIAYE, juge au Tribunal International du Droit de la mer, des recommandations juridiques ont été formulées pour améliorer la gouvernance du secteur des pêcheries. Ce rapport met en lumière les instruments élaborés sous les auspices de la FAO concernant la pêche.
Le rapport sur la pêche INN souligne que plusieurs instruments non contraignants ont été créés sous l’égide de la FAO, notamment le Code de conduite pour une pêche responsable et quatre autres instruments volontaires traitant de questions spécifiques. Le Code de conduite doit être interprété et appliqué en accord avec les règles du droit international, telles que reflétées dans la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, et en conformité avec l’Accord sur les stocks chevauchants et d’autres règles applicables, y compris celles énoncées au chapitre 17 d’Action 21.
Le Code détaille les éléments fondamentaux d’une pêche responsable, couvrant des aspects tels que la gestion des pêcheries, les opérations de pêche, l’aquaculture, l’intégration des pêcheries et la gestion des zones côtières, ainsi que les pratiques post-captures et le commerce. En ce qui concerne les instruments spécifiques, ils sont présentés sous forme de plans d’action, tels que le Plan d’action international pour réduire les captures accidentelles d’oiseaux de mer, pour la conservation et la gestion des populations de requins, pour la gestion des capacités de pêche et pour prévenir et éliminer la pêche illégale, non déclarée et non réglementée (INN).

Depuis son adoption en 2001, ce dernier plan est devenu une référence pour les États dans l’élaboration de leur plan national contre la pêche INN. Il a également contribué à harmoniser les pratiques des organisations régionales de gestion des pêcheries dans la lutte contre la pêche illégale.
Bien que l’État côtier dispose de larges pouvoirs en vertu de l’article 56 et de plusieurs droits selon l’article 62 de la Convention, plusieurs activités connexes à la pêche, telles que l’avitaillement, le transbordement, et le transport du poisson congelé, ne sont pas pleinement prises en compte par la Convention. Ces activités, menées dans la zone économique exclusive, peuvent échapper aux régulations prévues par la Convention, nécessitant ainsi des solutions pratiques et jurisprudentielles pour combler ces lacunes.
La jurisprudence permet de clarifier les droits et obligations de l’État côtier dans sa zone économique exclusive, notamment en matière d’exploration, d’exploitation, de conservation et de gestion des ressources biologiques, ainsi que l’application de ses lois et règlements.
Le secteur de la pêche au Sénégal, vital pour l’économie avec un chiffre d’affaires de plus de 278 milliards de FCFA, est confronté à une crise due à une gestion opaque et à l’octroi de licences de pêche à des partenaires étrangers. Cette situation, dénoncée depuis des décennies, entraîne une surexploitation des ressources halieutiques et des mouvements de protestation sans actions concrètes.
Le Groupement des Armateurs et Industriels de la Pêche au Sénégal (GAIPES), lors d’un atelier à Dakar, a souligné l’importance de la transparence dans la gestion des licences de pêche. La vice-présidente, Fatou Niang, a critiqué l’absence de transparence et l’infiltration de bateaux illégaux, appelant à une réforme pour préserver l’écosystème et l’économie locale.

Malgré des initiatives de sensibilisation auprès des autorités et des partenaires internationaux, la situation a atteint un point critique avec une augmentation exponentielle des navires de pêche profonde sans étude de la ressource disponible. Cette situation a conduit à des sanctions de l’Union Européenne, menaçant les exportations de produits de pêche à haute valeur ajoutée et, par extension, l’économie sénégalaise.
Pour remédier à cette crise, GAIPES plaide pour une transparence totale des activités de pêche et une application rigoureuse des instruments juridiques internationaux, comme le Code de conduite pour une pêche responsable de la FAO, afin de réguler et de surveiller efficacement les opérations de pêche dans les eaux sénégalaises. Zaynab SANGARÈ