In this frame grab from Saudi state television footage, doctoral student and women's rights advocate Salma al-Shehab speaks to a journalist at the Riyadh International Book Fair in Riyadh, Saudi Arabia, in March 2014. A Saudi court has sentenced al-Shehab to 34 years in prison for spreading "rumors" on Twitter and retweeting dissidents, according to court documents obtained Thursday, Aug. 18, 2022, a decision that has drawn growing global condemnation. (Saudi state television via AP)

Sur sa page personnelle du réseau social Twitter, elle avait épinglé en tête de ses messages un vœu de « liberté aux prisonniers de conscience et à chaque personne opprimée dans le monde ». Le 9 août, Salma Al-Chehab, une doctorante en médecine âgée de 34 ans, a été condamnée à trente-quatre ans de prison, suivis d’une peine d’interdiction de sortie du territoire saoudien d’une même durée. Son crime : avoir écrit ou partagé des messages de soutien aux femmes dans le royaume, dirigé d’une main de fer par le prince Mohammed Ben Salman.


Cette peine, surréaliste, est la plus longue jamais infligée à une défenseuse des droits des femmes en Arabie saoudite. Et, une fois de plus, cette condamnation a été précédée par une détention arbitraire et des mauvais traitements.

En janvier 2021, cette mère de deux jeunes enfants, inscrite à l’université de Leeds, au Royaume-Uni, avait été arrêtée pendant ses vacances en Arabie saoudite. Au cours des interrogatoires, Salma Al-Chehab s’est vu reprocher des messages de soutien à Loujain Al-Hathloul, une militante connue pour son combat en faveur du droit des femmes à conduire dans le royaume, qui a passé près de trois ans en prison. Ou encore d’avoir visionné des vidéos du blogueur et dissident Omar Abdulaziz, un proche du journaliste Jamal Khashoggi, assassiné en octobre 2018 dans l’enceinte du consulat d’Arabie saoudite à Istanbul par un commando saoudien.

ABUS ET MENACES SECTAIRES 

Salma Al-Chehab avait été condamnée, en juin 2022, à six ans de prison en première instance pour soutien au terrorisme et trouble à l’ordre public. Des accusations qu’elle a rejetées avec vigueur : « Votre honneur, j’ai écrit ce mémoire pour expliquer l’injustice dont j’ai été victime. J’espère que Dieu vous assistera et vous aidera à assumer la responsabilité de rendre la justice et de protéger les faibles de l’injustice », écrivait-elle à la cour, peu avant cette première condamnation.

Dans ce document, transmis au Monde par The Freedom Initiative, une organisation basée aux Etats-Unis qui défend les détenus d’opinion au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, Salma Al-Chehab assure avoir été victime d’abus, de menaces et de harcèlement sectaire pendant sa détention et lors des interrogatoires, évoquant une « soumission à la torture et aux traitements inhumains ».

L’universitaire, qui n’a pas eu accès à un avocat après son arrestation, a été maintenue à l’isolement pendant treize jours, « sous la direction d’un enquêteur qui a privée de la première visite de a famille, le 70e jour après on arrestation ». Elle a été détenue pendant 285 jours, avant d’être déférée devant un tribunal. « J’aurais dû être renvoyée devant la justice ou libérée après 180 jours », rappelait-elle à ses juges, en les renvoyant à la loi saoudienne.