L’ancien Président burkinabé Blaise Compaoré a demandé pardon à ses concitoyens, particulièrement à la famille de son ‘’frère et ami’’ Thomas Sankara.  Ses mots sont touchants : ‘’ « Je demande pardon au peuple burkinabè pour tous les actes que j’ai pu commettre durant mon magistère et plus particulièrement à la famille de mon frère et ami Thomas Sankara ».

 

 

Voilà, les mots sont lâchés. Nous les attendions depuis plus de 30 ans. Enfin, Blaise les a prononcés. Et il reconnaît, en filigrane, sa responsabilité dans la mort de ce guide inoubliable dont la disparition avait attristé toute l’Afrique.  Cela a fait boom dans nos cœurs, ce pardon. Et la famille de Thomas et les Burkinabé ne se priveront pas de le savourer, même si cela ne ramènera pas Sankara.
En effet, Blaise a montré à quel point il est poursuivi pour ne pas dire hanté, par cette affaire et certainement par d’autres. Mais surtout par celle-là. L’assassinat commandité de celui qui lui vouait tant de respect et d’affection ne saurait rester sans conséquences psychologiques graves pour celui qui l’a fait. Nous sommes des êtres humains, des Africains, sensibles, avec nos réalités, nos valeurs dont le caractère sacré de l’amitié, de la famille, la peur du châtiment divin, etc.

Donc, les logiques machiavéliques ne sont pas de chez nous. On ne saurait, parce que l’on veut accéder au pouvoir ou rester au pouvoir, écraser tous ceux qui se dresseront sur votre passage. Si vous le faites, des décennies après et même avant, vous allez vous rendre compte que le jeu n’en valait pas la chandelle.  Car, si Blaise pouvait agir sur le temps et ramener Sankara à la vie, il l’aurait fait. Quitte à tout perdre. C’est certainement le plus grand regret de sa vie. Sankara, du fond de sa tombe, a su prendre sa revanche. Comme toujours, il a eu le dernier mot. Il a gagné et a encore laissé une leçon à la postérité.

Ainsi, tous les Africains, au-delà, le monde entier, doivent méditer, aujourd’hui, sur ce pardon de Blaise qui se veut rédempteur. Il nous renseigne que le pouvoir rend aveugle, ne permet pas toujours la clairvoyance et libère le côté le plus sombre de l’individu, sa bestialité profonde. Nous avons compris, avec Blaise, en effet que acquérir le pouvoir, l’argent, ce n’est pas tout.  Avec le temps, on gagne en sagesse et on regrette. On n’aurait souhaité ne pas avoir causé la mort de quelqu’un ou une toute autre souffrance contre son peuple. Une fois le pouvoir perdu, on aurait souhaité davantage faire pour les siens, pour ceux qui vous ont fait confiance. Et on regrette amèrement la violence inutile et aveugle.

Nous ne savons pas si l’épouse de Sankara, ses enfants, ses parents et les burkinabè vont accorder le pardon à Blaise. Mais nous reconnaissons qu’il a, lui aussi, su être grand. Car seuls les grands reconnaissent leurs torts, leurs erreurs.  Ainsi, il est grand temps que ce vaillant peuple frère amorce les conditions d’une réconciliation nationale durable et engage l’avenir avec plus de sérénité.  Car, le coup d’arrêt que la révolution a connu avec la mort de Sankara et de ses compagnons a fait beaucoup de mal au pays. Il faudra alors se surpasser, dépassionner les cœurs et les esprits pour poser des actes forts comme celui de Blaise.  Il est temps en Afrique, que les dirigeants s’inspirent de cet exemple pour, tout le temps qu’ils sont au pouvoir, mettre à profit ces moments pour sérieusement travailler au profit de leurs peuples et non de leurs seuls proches et affidés pour ne pas dire thuriféraires.

Assane Samb