À la suite de plusieurs semaines de mobilisation citoyenne d’ampleur nationale, menée en grande partie par la jeunesse regroupée au sein du mouvement « Gen Z Madagascar », un tournant politique majeur s’est opéré dans le pays. Le 14 octobre 2025, l’Assemblée nationale a adopté une motion de destitution à l’encontre du président Andry Rajoelina, l’accusant notamment d’abandon de ses fonctions constitutionnelles. Peu après ce vote, l’armée malgache, par la voix du colonel Michael Randrianirina, chef de l’unité d’élite CAPSAT, a annoncé la prise de contrôle des institutions nationales, ouvrant une période de transition militaire.
Cette déclaration a été faite sur les ondes de la radio nationale, où le colonel Randrianirina a confirmé la dissolution immédiate de plusieurs organes constitutionnels, notamment le Sénat, la Haute Cour Constitutionnelle (HCC), la Haute Cour de Justice (HCG), la Haute Autorité pour la Démocratie et l’État de Droit (HCDDED), ainsi que la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI). Il a précisé que cette prise de pouvoir se fondait sur la légitimité conférée par le vote parlementaire, invoquant la nécessité d’assurer la stabilité institutionnelle et la continuité de l’État.
La chute du président Rajoelina intervient dans un contexte de tensions sociales exacerbées. Depuis le 25 septembre 2025, le pays est traversé par des manifestations massives dénonçant la dégradation des conditions de vie, la hausse du coût de la vie, les pénuries d’eau et d’électricité, ainsi qu’une gouvernance perçue comme inefficace et opaque. Le mouvement « Gen Z Madagascar » a cristallisé une colère populaire alimentée par des frustrations sociales profondes et un sentiment d’abandon, notamment parmi les jeunes et les populations les plus vulnérables.
Selon plusieurs analystes, le ralliement de l’unité CAPSAT et d’autres composantes des forces armées aux revendications citoyennes témoigne d’un affaiblissement progressif du soutien institutionnel dont bénéficiait le chef de l’État. Cette perte de légitimité politique et militaire a constitué un point de bascule dans l’équilibre du pouvoir.
Pour Serge Jovial Imbeh, analyste politique et financier basé à Antananarivo, cette évolution constitue l’aboutissement d’une crise sociale de fond. Il souligne que « lorsque la population est confrontée à une précarité structurelle, à l’absence d’accès aux services de base, à une jeunesse sans perspectives d’avenir, à une gouvernance incapable d’apporter des réponses concrètes, une explosion sociale devient inévitable. C’est ce que nous observons aujourd’hui à Madagascar. »
L’exil du président déchu, dont la localisation reste inconnue à ce jour, est interprété par certains observateurs comme un acte visant à éviter l’escalade ou l’affrontement avec l’armée. Ce départ, bien que contesté sur le plan politique, pourrait être lu sous un angle diplomatique comme une tentative de désamorcer une confrontation violente, et dans une certaine mesure, comme un geste de retenue ou de responsabilité.
Alors qu’une période de transition militaire s’ouvre, le pays entre dans une phase d’incertitude marquée à la fois par l’espoir d’un renouveau démocratique et par les risques inhérents à une prise de pouvoir extra-constitutionnelle. La communauté internationale reste attentive à l’évolution de la situation, dans l’attente de signaux clairs quant au calendrier de la transition et aux garanties de retour à l’ordre constitutionnel.