En quelques années, l’Arabie saoudite est passée du statut d’acteur émergent à celui de puissance désormais incontournable dans le domaine de l’intelligence artificielle. Cette progression rapide s’inscrit dans une transformation systémique du pays, où l’IA est devenue un instrument clé de la diversification économique et de la reconfiguration de son rôle sur la scène internationale. Sous l’impulsion de la Vision 2030, Riyad entend redéfinir la place du Royaume dans le monde, non plus seulement comme géant énergétique, mais comme moteur technologique de premier plan au Moyen-Orient et au-delà.

Au cœur de cette mutation se trouve la Saudi Data & AI Authority (SDAIA), organe central chargé d’orienter la stratégie nationale liée à l’IA et aux données. Sa mission est ambitieuse, faire de l’Arabie saoudite l’un des pays les plus avancés en intelligence artificielle et en gouvernance des données. Pour y parvenir, le pays multiplie les initiatives avec la création de banques de données souveraines, partenariats internationaux de recherche, financements massifs de laboratoires nationaux et soutien continu aux entreprises technologiques locales. Cette dynamique a permis l’émergence de projets emblématiques tels que le modèle génératif ALLaM, devenu une référence dans le traitement de la langue arabe et symbole de la volonté saoudienne de produire des technologies adaptées à sa culture et à sa région.

Cette stratégie technologique s’accompagne d’une transformation profonde du marché du travail. Le gouvernement a fait de la formation un axe prioritaire, en développant des universités techniques, des instituts spécialisés, des programmes de certifications et des cursus d’ingénierie destinés à répondre à la demande croissante en compétences IA. Le Royaume prépare ainsi une génération de technologues capables d’alimenter son futur écosystème numérique et de réduire sa dépendance aux talents étrangers. Cette montée en compétences contribue à faire de l’Arabie saoudite l’un des marchés de l’emploi les plus dynamiques dans les métiers liés à l’IA, reflet d’une transition économique en cours d’accélération.

L’impact géopolitique de cette stratégie est considérable. Dans un monde où la puissance technologique devient un vecteur majeur d’influence, le Royaume aspire à se positionner au même niveau que les hubs historiques de l’innovation que sont les États-Unis et la Chine. En investissant massivement dans l’infrastructure numérique, les supercalculateurs, les centres de données et les partenariats internationaux, l’Arabie saoudite cherche à attirer les grandes entreprises mondiales de l’IA tout en développant ses propres champions nationaux. Cette orientation lui permet de jouer un rôle croissant dans la diplomatie technologique, que ce soit au sein du G20, des institutions régionales ou des alliances économiques émergentes. Zaynab Sangare

 

La montée en puissance de Riyad dans l’intelligence artificielle porte également des enjeux économiques majeurs. Le Royaume voit dans l’IA un moyen de renforcer sa résilience face à la transition énergétique mondiale et de diversifier une économie historiquement dépendante du pétrole. L’IA s’inscrit ainsi dans une stratégie plus large visant à créer de nouvelles filières industrielles, à stimuler l’innovation dans les secteurs clés comme la santé, la logistique, l’énergie ou les services publics, et à attirer les investissements étrangers via des zones économiques spécialisées. À long terme, ce repositionnement pourrait transformer le territoire en carrefour technologique régional, capable de rivaliser avec Singapour, Dubaï ou Shenzhen.

 

En consolidant sa place parmi les leaders mondiaux de l’intelligence artificielle, l’Arabie saoudite redessine progressivement les équilibres régionaux et mondiaux. Sa trajectoire révèle une certitude : l’avenir de l’IA ne se jouera plus seulement dans les grandes capitales technologiques traditionnelles, mais également au cœur du Moyen-Orient, où le Royaume entend jouer un rôle moteur. À l’horizon 2030, il pourrait bien devenir l’un des centres mondiaux où se conçoivent, se développent et s’appliquent les technologies qui façonneront le XXIᵉ siècle.