L’impact de la baisse des denrées alimentaires sur l’économie du pays préoccupe les Sénégalais, envahis par les dures conditions de vie. Peinant à souffler, l’Etat garant des politiques économico-sociales s’engage désormais, à apporter des solutions avec une prise de 11 mesures pour impact sur le coût de la vie. Mais, cette décision hautement, attendue et devant être soutendue par des subventions et un éventuel sur-endettement, ne convainc pas une partie de Sénégalais.


Le Président de la République a pris une série de 11 mesures urgentes pour soulager la souffrance des populations sénégalaises. Mais, ces mesures exigent des sacrifices financiers énormes du côté du budget. La matérialisation de ces mesures oblige l’Etat à prendre d’autres mesures de subventions et risque un surendettement pour résister aux exigences de la baisse des prix. Mais, des économistes, accrochées, espèrent que la baisse des prix des denrées alimentaires, ainsi que celle du loyer pourrait contribuer à un changement par rapport aux réalités économiques du Sénégal.

 

Ainsi,  certains économistes craignent que ces mesures ne puissent pas durer longtemps. Puisque, l’Etat n’a pas l’argent nécessaire pour supporter autant de subventions. Avec l’approche d’une année électorale, les politiciens sont capables de tout pour avoir le dernier mot. l’économiste a relevé l’absence de production locale, devant des solutions à long terme. Les moins convaincus évoquent l’exigence d’une production locale  qui pourra permettre de disposer d’une consommation inclusive sur le long terme.

 

D’après eux, les entreprises ne peuvent pas allier une inflation des matières et des entrants à une augmentation de salaires. Donc, il faut jouer avec beaucoup d’intelligence pour ne pas gêner certains secteurs d’activités du tissus économique à préserver. Suite à ces constats, ils recommandent de façon conjoncturelle, des solutions politiques à très court terme et non un choix de politique structurelle qui devrait engager tous ces secteurs cités dans une dynamique salutaire. 

 

Sous ce registre, ils relèvent qu’une gymnastique économique doit être faite avec beaucoup d’intelligence pour allier moyens propres et endettement dans un financement avec une rentabilité conséquente. N’empêche, ils évoquent la réticence des commerçants et des bailleurs qui nécessitent une surveillance du marché pour impliquer tous les acteurs dans l’intérêt général du pays.

 

L’applicabilité de cette mesure, insiste-t-on, va dépendre des moyens déployés par l’Etat. Concernant le loyer, le problème majeur que rencontrent les locataires est que le plupart des propriétaires travaillent dans l’informel. Et, pour l’applicabilité de cette mesure, l’Etat doit réguler ce secteur considéré comme étant privé. Et, pour une bonne application de ces mesures, le budget devrait suivre la dynamique de hausse constatée depuis ces dernières années. Les économistes restent d’avis que même si, le pays est déjà surendetté, il est possible de s’attendre à un déficit public plus important.



Maissa Babou, Economiste: « L’Etat n’a pas l’argent nécessaire pour supporter autant de subventions »

 

L’économiste Maissa Babou porte une appréciation sur l’impact de la baisse des denrées alimentaires et du Loyer sur l’économie du pays. Il s’agit de 11 mesures urgentes, prises par le Chef de l’Etat, Macky Sall pour alléger, dit-on, les difficultés des populations sénégalaises. Il a été constaté que cette prise de décision de baisse de prix nécessite des concessions et des subventions énormes pour soutenir les impacts financiers à long terme. Avec une inflation exponentielle tous azimuts, l’économiste précise qu’il est normal qu’un pays essaie de venir en aide à ses concitoyens. Mais, il craint que ces mesures ne puissent pas durer longtemps. Et, avec le taux d’inflation alimentaire, estimé à 18%, l’économiste est d’avis qu’il serait difficile d’espérer sur le long terme, un impact social de ces mesures.

 

Maissa Babou, économiste a considéré que la baisse annoncée des prix de denrées alimentaires et du loyer pourrait être compliqué pour l’Etat sénégalais. Les consommations alimentaires avec des baisses de 25 FCfa pour des unités qui dépassent tous 300 FCfa, retient-il, semble dérisoire. Il indique qu’il fallait se concentrer sur quelques produits, au lieu de vouloir baisser plus de trois 4 à 5 produits avec des propositions assez dérisoires. D’après l’économiste, l’initiative, pouvant avoir un impact sur le consommateur est bonne. Mais, elle exige un suivi rigoureux avec des procédures judiciaires. 

 

Dans l’urgence d’une situation économique exécrable qui a fini de mettre à genou les Consommateurs avec une inflation exponentielle tous azimuts, il précise qu’il est normal qu’un pays essaye de venir en aide à ses concitoyens. Maissa Babou craint que ces mesures ne puissent pas durer longtemps. Puisque, l’Etat n’a pas l’argent nécessaire pour supporter autant de subventions. « Nous sommes en approche d’une année électorale. Les politiciens sont capables de tout pour avoir le dernier mot. Mais, ça ne peut pas prospérer. Non seulement, c’est dérisoire. Mais, dans la durée, ça va coûter beaucoup d’argent. C’est ce que la banque mondiale a dit en essayant de freiner le Sénégal pour éviter des inventions qui dépassent plus de 700 milliards de FCfa. Pour le moment, nous sommes dans une urgence. On peut accepter que ces efforts soient faits. Mais, il nous faut une stratégie pour combler tous ces gaps qui sont un peu à la base des problèmes », a prévenu l’économiste, Maissa Babou.

 

Sous ce registre, l’économiste a relevé l’absence de production locale, devant des solutions à long terme. Cette production locale soutendue pourra entre 3 et 5 ans permettre d’avoir une consommation inclusive. « C’est vrai que dans l’urgence, nous ne pouvons pas accepter qu’il y ait une assistance. Mais normalement, on devait définir une solution de sortie définitive de crise », préconise-t-il. 

 

Espoir de changements avec une inflation de 18%

 

L’économiste Maissa Babou est d’avis qu’avec le taux d’inflation alimentaire estimé à 18%,  il serait difficile d’espérer un changement. L’inflation, constate-t-il, régresse même dans les années à venir et installe une dynamique où les facteurs exogènes, dont les guerres, les inondations, les feux de brousse constituent un grand handicape dans la production mondiale. De ce fait, relève-t-il, vouloir coûte que coûte, une baisse drastique de prix, semble possible dans le court terme. « Nous nous adaptons et je dois saluer les augmentations de salaires qui restent une aubaine à côté des subventions. Mais, combien de sénégalais fonctionnaires. C’est là où le bas blesse. Les entreprises ne peuvent pas allier une inflation des matières et des entrants à une augmentation de salaires. Ca serait la catastrophe dans le coup de production. Donc, il faut jouer avec beaucoup d’intelligence pour ne pas gêner certains secteurs d’activités du tissus économique à préserver », recommande-t-il. 

 

Revenant aux en rapport aux prochains rebondissements de ces mesures sur le budget du gouvernement de 2023 en cours de vote par l’assemblée nationale, il soutient que les choix ont été faits. Mais, dans ce budget, des engagements chiffrés sont faits d’une part de subventions.  Il relève que le ministère du Commerce a vu son budget augmenter de plus de 100 milliards, celui du ministère de la jeunesse, comprenant l’emploi a été multiplié par trois. A côté, le budget de sécurité dépasse pratiquement les subventions alimentaires avec 380 milliards de FCfa. « Le regret est de ne pas voir dans ce budget un engagement conséquent dans les secteurs productifs comme l’agriculture, la pêche, la production scolaire, sanitaire. Il n’y pas suffisamment d’engagement au niveau du budget où on voit que ces secteurs sont laissés en rade. Alors que la perspective devrait démarrer avec ce budget 2023 en mettant plus d’argent dans ces secteurs là pour démarrer une auto-production. Quand vous importez un million de tonnes de riz, alors qu’on ne voit pas ces solutions financières dans le budget, il faudra s’interroger », prévient-il. 

 

L’économiste recommande à faire des solutions politiques à très court terme de façon conjoncturelle  dans le passif et non un choix de politique structurelle qui devrait engager tous ces secteurs cités dans une dynamique salutaire. 

 

Surendettement et taux d’inflation de 11% en phase de croissance

 

Abordant l’approche globale de la situation économique du pays par rapport à ce surendettement et le taux d’inflation de 11% en phase de croissance, l’économiste est sceptique dans le choix de financement du gouvernement. « Vu l’engagement que le gouvernement a dans les subventions même si, c’est dérisoire sur le plan alimentaire avec un engagement plus conséquent dans l’énergie, on est en droit de nous poser la question sur le financement de ce programme. Or, tout le Sénégal est un pays fiscal, alors il faut se demander comment ce programme se fera en baissant les textes et les impôts? Si ces derniers sont en baisse, la solution sera forcément l’endettement. Alors que, nous sommes très endettés. La FMI a eu raison de freiner le Sénégal en disant vous n’avez pas les moyens. Et, trop c’est trop. Ceci va creuser l’endettement avec ce nouveau budget qui est à peu prêt  à 2 300 milliards de déficit qui sera comblé par un endettement. Ce qui portera le déficit budgétaire à plus de 5% », a relevé l’économiste. 

 

D’après lui, les agrégats seront les dérapages. Et, la dette normative doit être à 66%, alors que le Sénégal est à 73%. Le déficit budgétaire de 3% va dépasser les 5%. « Si ça continue, nous risquerions d’être dans un ajustement économique. Par conséquent, c’est une gymnastique économique que nous devrions faire avec beaucoup d’intelligence pour allier moyens propres et endettement dans un financement avec une rentabilité conséquente. Ce qui ne me semble pas être le cas », regrette Maissa Babou. 

 

Sur ce, il évoque la réticence des commerçants et des bailleurs, nécessitant une surveillance du marché pour impliquer tous les acteurs dans l’intérêt général du pays. Et, il exhorte à l’inclusion de tous les secteurs et de tous les  acteurs économiques du pays. 




Pr Thierno Thioune, Maître de Conférences Titulaire: « Cette baisse des denrées alimentaires pourrait augmenter le pouvoir d’achat des consommateurs »

 

Professeur Thierno Thioune, Maître de Conférences Titulaire analyse l’impact de la baisse des denrées alimentaires et du Loyer sur l’économie du pays. Axant d’ailleurs, son analys sous deux angles, il précisr que du côté des consommateurs (ménages), des vendeurs et des bailleurs, cette baisse des denrées alimentaires augmente le pouvoir d’achat des consommateurs. Et, les populations pourront avec le même niveau de revenu, consommer plus de biens. Mais, l’application immédiate de cette nouvelle mesure, prise dans le but de soulager les ménages pourrait conduire à une perte si toute fois la production ou l’achat de ces denrées nécessitent de supporter de coûts élevés.

 

Thierno Thioune, Maître de Conférences Titulaire , par ailleurs, Directeur du Centre de Recherches Economiques Appliquées (CREA) de la Faculté des Sciences Économiques et de Gestion de l’Université Cheikh Anta Diop considère que cette mesure devrait être une mesure structurelle et non une mesure conjoncturelle. L’applicabilité de cette mesure, insiste-t-il, va dépendre des moyens déployés par l’Etat. Concernant le loyer, il révèle que le problème majeur que rencontrent les locataires est que le plupart des propriétaires travaillent dans l’informel. Et, pour l’applicabilité de cette mesure, l’Etat doit réguler ce secteur considéré comme étant privé. « Si nous prenons acte des propos du Président qui considère que le prix du loyer a augmenté de 200% depuis la tentative de baisse en 2014, alors que les coûts de constructions n’ont évolué que de l’ordre de 45%. On peut s’attendre à une possible réduction du prix des loyers dans le même ordre que l’augmentation des coûts de construction », dit-il.

 

L’économiste indique que ces mesures n’opèrent un changement structurel dans l’économie. L’inflation étant importée, préconise-t-il, les dépenses publiques devraient être orientées de plus en plus dans le soutien de ces mesures. Et, celles-ci prendraient en compte les subventions et les mesures fiscales », décrypte-t-il. 

 

D’après le professeur d’économie, pour une bonne application de ces mesures, le budget devrait suivre la dynamique de hausse constatée depuis ces dernières années. Il déduit qu’on peut alors s’attendre à un déficit public plus important. Même si, le pays est déjà surendetté. Par contre, prévient-il, l’effet boule de neige entre les charges et la dette publique pourrait être atténué par les recettes issues de l’exploitation du pétrole et du gaz prévue en 2023. Zaynab SANGARÈ