Au lendemain du coup de force mené par un groupe d’officiers dirigés par Michaël Randrianirina, les jeunes manifestants malgaches de la génération Z, à l’origine du mouvement de protestation contre le président Andry Rajoelina, oscillent entre soulagement et méfiance. Après des semaines de mobilisation dans les rues d’Antananarivo, marquées par une répression violente ayant causé une vingtaine de morts depuis le 25 septembre, l’annonce de la destitution du chef de l’État, en fuite depuis le 13 octobre, a suscité des scènes de liesse parmi les jeunes protestataires.
Mais très vite, cette victoire apparente s’est teintée d’inquiétude. Les meneurs du mouvement craignent aujourd’hui que leur mobilisation soit détournée par les militaires pour asseoir leur propre pouvoir. En instaurant un régime transitoire sans ancrage démocratique, les officiers putschistes semblent chercher à se légitimer en s’associant aux revendications populaires portées par la jeunesse. Une tentative de récupération politique que refusent catégoriquement les organisateurs de la contestation.
Mercredi, dans une salle discrète située au premier étage d’un immeuble du centre d’Antananarivo, les animateurs de la stratégie de la génération Z malgache se sont réunis pour faire le point. Non loin de là, la place de l’Indépendance, point central des cortèges des dernières semaines, est redevenue calme. Autour d’ordinateurs portables installés à la hâte, les jeunes militants échangent à voix basse. Certains arborent pour la première fois, sans crainte de représailles, les tee-shirts ornés du symbole de leur mobilisation sur le drapeau pirate du manga One Piece, revisité localement avec un chapeau de paille malgache. « C’est la première fois qu’on peut les porter sans peur », confie Marie Christina Kolo, l’une des figures du mouvement.
Si la chute du président Rajoelina constitue une étape décisive, les jeunes manifestants refusent de considérer leur combat comme achevé. Leur mobilisation ne visait pas seulement le départ d’un dirigeant contesté, mais portait des aspirations plus larges à une réforme en profondeur du système politique, à plus de justice sociale et à une démocratie réellement représentative. Pour eux, confier le pouvoir à des militaires, même présentés comme sauveurs, reviendrait à trahir les fondements de leur engagement. Avec le mondefr