Existe-t-il un texte réglementaire qui exige comme ça devrait être le cas à l’industrie du tabac de publier de manière périodique des informations relatives à sa production de tabac. L’information doit aussi  concerner  la fabrication de produits du tabac, la part de marché, les dépenses de marketing, les revenus, y compris les activités de lobbying, les activités caritatives, les contributions politiques et toute autre activité. La réponse à cette interrogation se trouve dans le rapport premier du genre publié en novembre 2021 par la ligue sénégalaise contre le tabac  sur l’indice d’interférence de l’industrie du tabac.  Selon l’enquête, « le gouvernement est passif et silencieux, lorsqu’il s’agit de demander à l’industrie du tabac de soumettre périodiquement les informations exigés par la loi ». S’y ajoute une volonté manifeste des services publics de ne pas faire preuve de transparence pour ce qui est de leurs relations avec l’industrie du tabac. Les réunions les plus tenues secrètes sont celles concernant l’Etat du Sénégal et l’industrie du Tabac.

 

 

Les pouvoirs publics ne divulguent pas publiquement les informations sur les réunions/interactions avec l’industrie du tabac, dans les cas où ces interactions sont strictement nécessaires. Les pouvoirs publics devraient exiger que des règles soient adoptées pour la communication d’informations ou l’enregistrement des entités de l’industrie du tabac, y compris les groupes de pression selon toujours le rapport. L’article 1 de la loi n°12/2014 du 28 mars 2014 relative à la fabrication, au conditionnement à l’étiquetage, à la vente et à l’usage du tabac, interdit formellement toute ingérence de l’industrie du tabac dans les politiques nationales de santé. Aucune offre d’assistance et de soutien de l’industrie du tabac dans la définition ou la mise en œuvre de la politique de santé publique, n’est enregistrée. Le gouvernement n’accepte pas, ne soutient pas, n’approuve pas et ne collabore pas avec l’industrie du tabac pour légiférer contre les produits du tabac ou définir une politique de santé publique. Du moins Selon la loi.

Quand l’Etat desserre l’étau, l’industrie passe outre la loi

Le rapport indique que les pouvoirs publics accèdent aux demandes de l’industrie du tabac visant à obtenir un délai plus long pour la mise en œuvre ou le report de la loi sur la lutte antitabac. Par exemple, le délai de 180 jours est utilisé pour les mises en garde sanitaires illustrées, l’augmentation de la taxe peut être mise en œuvre dans un délai d’un mois. De plus, en août 2017, dans le cadre de la mise en place des avertissements sanitaires, l’industrie du tabac a demandé un délai de six mois pour effectuer les changements nécessaires dans ses outils de production, afin de pouvoir répondre techniquement à l’injonction de la loi.

Exonération des taxes

Au Sénégal, l’industrie du tabac bénéficie d’une exonération des taxes spécifiques à l’importation. Sur la base des articles 410 et 433 du Code général des impôts (CGI) sont exonérées de taxes spécifiques, des exportations et des reventes en l’état de tabacs bruts, de tabacs à fumer, de tabacs à chiquer ou à priser, de cigares, de cigarettes et autres tabacs ayant effectivement supporté la taxe spécifique.  Djibril Wellé secrétaire général  de la Ligue sénégalaise de lutte contre le tabac (Listab) qui donne l’information cite le rapport de l’entité sur l’ingérence de l’industrie du tabac. Selon le document, les voyageurs internationaux entrant au Sénégal peuvent introduire en franchise 200 cigarettes, 50 cigares ou 250 grammes de tabac. En plus de cela, les pouvoirs publics acceptent et soutiennent toute offre d’aide faite en collaboration avec l’industrie du tabac dans la mise en œuvre de politiques de santé publique en matière de lutte antitabac.

Quand l’industrie soutient la lutte contre le Covid

L’organisation mondiale de la santé (OMS) avait clairement avertit : « En application de l’article 5.3 de la Convention-cadre de l’OMS, les gouvernements ne devraient avoir d’interaction avec l’industrie du tabac que lorsque cela est strictement nécessaire à des fins de réglementation ; lorsqu’ils en ont, ils devraient veiller à ce que toutes les interactions aient lieu dans la transparence et en public ».  Pourtant, ‘’en 2020, dans le cadre du fonds Force Covid-19 mis en place par le président Macky Sall pour lutter contre l’épidémie de Covid-19, le gouvernement a reçu un don d’environ 1 milliard de francs CFA (1,6 million de dollars) du milliardaire mauritanien Mohamed Ould Bouamatou, qui a fait fortune dans la vente de cigarettes. En 2018, Phillip Morris International (PMI) a donné 53 000 dollars US pour la construction de nouvelles salles de classe pour une école primaire dans une zone rurale, par l’intermédiaire de la fondation d’Augustine. Du mois selon la ligue sénégalaise conte le tabac. Il faut tout de même noter qu’en 2003, Philip Morris International (PMI) a établi son siège régional à Dakar.  En 2005, il  a commencé la  construction de sa première usine en Afrique Sub-Saharienne. Aujourd’hui, l’usine fabrique la marque phare Marlboro, ainsi que d’autres marques pour le marché sénégalais et beaucoup d’autres marchés de la région.

Les tares de la loi,  la nécessité de transposer  les  dispositions  de la convention cadre

« Lorsqu’une  loi  n’est  pas  claire,  son  application  pose  problème  et  le  juge  dans  son    office,  a  du  mal  à  avoir  une position  tranchée et  l’avocat   se  permet  de  narguer  les  juges.  Et  la  raison  est  simple,  l’interprétation  peut   être  tantôt  à  la  faveur d’une partie, tantôt  de  l’autre.  Tant  qu’il  ya   cette  valse   du  juge par  rapport  à  l’application  des  textes  de  loi ça  pose  problème » avait noté Me Bassirou Sakho Avocat à la Cour dès les premiers jours de la loi antitabac au Sénégal. L’avocat notait « un  silence  qui  devrait    être  compléter  par  le  législateur,  mais  ce n’est  pas  le  cas.  Et ce, même si   les  industries  du  tabac  font  l’effort  de se  conformer  à  cette loi   officiellement  même si  on  sait  qu’elles  sont  en train  de  mener des lobbying et  de   l’autre  côté  on  ne  sent  pas  la  volonté  des   politiques par  rapport  à  cette  loi ». Pour la robe noire « Il  faut  des gardes  fous  pour  le  respect  des dispositifs    pris  par  la  loi    et  du  respect  des  règles  qui  sont  édictées.  A  cela  doit    s’ajouter  des mesures  d’accompagnement  mais  aussi    maintenir  les  industries  du  tabac dans  cette   position  de  vouloir  se conformer  à la   loi ».

 La  loi  antitabac  a  des  tares  congénitales  qui  constituent  sa  faiblesse,  le  Sénégal  a  ratifié en 2004 la  convention  cadre   et  s’était  engagé  à  transposer  les  dispositions  internationales  dans  son  dispositif  interne.  C’est  déjà  à  ce  niveau  que  cette  loi  pèche parce  qu’on  sent   un  écart  important    par  rapport   aux dispositions  de  la    convention.  Si  l’on  fait  une  étude  comparative   entre  les  dispositions  de  la  convention   cadre qui  doivent  être reproduites   dans  la  loi  en  intégralité .  L’avocat  signale  en  outre,  que cela  dépend  de la  pensée  et  l’esprit  du  législateur et  tant  qu’on  a   pas  ces  éléments  on  ne  peut  pas  de  façon  précise  et     concrète appliqué une  loi. ET   de  clarifier, «   Je précise    que  cela  ne  veut  pas  dire  que  la  loi n’est  pas applicable.  Depuis  qu’elle est  entrée   en vigueur  elle  l’est ».  Le  disfonctionnement  se situe  donc  du  côté  de  l’Etat du  Sénégal  mais aussi   du coté  des organismes  qui  luttent  contre  le  tabac.  Une  loi  est  bien,  quand  elle  n’est  pas   appliquée  elle  reste  une  intention .