En février dernier, les réseaux sociaux s’étaient à nou- veau enflammés. Sous le hash-tag #SciencesPorcs, des dizaines de personnes avaient té- moigné, souvent anonymement, de cas de viols ou de violences sexuelles dans les Instituts d’études politiques (Iep), dont Sciences Po. La passivité, voire le silence, de ces établissements réputés était largement pointée du doigt. Après ces témoignages, six inspecteurs de l’inspection générale de l’Education nationale ont été chargés d’établir un rapport, révélé par le JDD, sur les mesures mises en œuvre face aux violences sexuelles dans les Iep.
Ce rapport fait état de 89 cas de violences sexuelles et sexistes signalés entre janvier 2019 et juin 2021, dont certains datent d’une période plus ancienne. Dans le détail, 41% de ces cas étaient des viols, 18% des agressions sexuelles, 15% des propos ou agissements sexistes. La majorité se serait déroulée dans la sphère privée (pour 18% des cas) ou une soirée privée (14%). Dans 9% des cas, ces faits auraient eu lieu dans les locaux même de l’un des neuf Iep de province ou sur le campus de Sciences Po Paris.
Pour les auteurs de ce rapport, «force est de constater que les suites appropriées en termes de procédures disciplinaires ou pénales ne sont pas suffisamment engagées» par les établissements au sein desquels plusieurs failles dans le dispositif face aux violences sexuelles sont dénoncées. Seulement 16% de ces 89 cas ont ainsi donné lieu à des poursuites disciplinaires, selon les chiffres relayés par le JDD. Le manque d’informations de la justice, en raison du silence des victimes, est notamment évoqué dans le rapport.
«Les victimes ont parfois du mal à se confier : par peur de nuire à la réputation de l’école, par crainte que la direction, conformément à l’article 40 du Code de procédure pénale, saisisse ensuite le procureur»,explique au journal Frédérique Vidal, la ministre de l’Enseignement supérieur. «Toutes ne sont pas prêtes à porter plainte. Le recueil de la parole est donc essentiel. Il faut qu’il y ait différents canaux, par exemple des cellules d’écoute extérieures à l’établissement. Tout signalement doit ensuite donner lieu à une enquête», ajoute- t-elle, demandant que les sanctions soient «exemplaires».
Le rapport évoque des sessions de bizutage (pourtant interdit) ou le «Crit» (ou critérium inter-Iep), compétition sportive organisée chaque année, comme des moments propices à des dérives de violences sexuelles. «A chaque fois qu’il y a un sentiment fort d’appartenance, les étudiants sont tiraillés. Et celui-ci se cultive au cours de moments spéci- fiques : les week-ends d’intégration, les compétitions sportives, comme le critérium inter-Iep (Crit), qui peuvent donner lieu à des dérives», concède Frédérique Vidal. Mais pour la ministre, «interdire ce type de manifestations ne serait pas efficace».
«Mieux vaut former, sensibiliser, généraliser les chartes encadrant les associations et les rendre contraignantes : à chaque manquement, on arrête le financement», assure-t-elle.
L’arrêt des financements aux associations figure parmi les 37 recommandations remises en même temps que ce rapport. «La mission propose d’organiser une campagne sur le consentement, à la rentrée universitaire : c’est une piste dont je souhaite que l’on se saisisse», fait également savoir Frédérique Vidal, qui veut se pencher sur des «partenariats avec des associa- tions spécialisées», la création de «cellules d’écoute extérieures à l’établissement» ou faire «appel à des juristes pour accompagner les victimes jusqu’au dépôt de plainte». Des mesures pourraient être dévoilées à la rentrée, en même temps que le plan national de lutte contre les violences sexuelles et sexistes.