L’Assemblée nationale traverse une nouvelle zone de turbulence à la veille de la séance de « Questions d’actualité » prévue ce vendredi 28 novembre 2025. Les députés non-inscrits ainsi que le groupe parlementaire Takku Wallu Sénégal ont annoncé qu’ils n’y participeront pas, dénonçant ce qu’ils qualifient de dérive profonde de l’exercice. Selon eux, ce rendez-vous censé permettre au Parlement de contrôler l’action gouvernementale a perdu sa vocation initiale pour devenir un simple outil de communication politique au profit de la majorité.

Dans un communiqué publié le 26 novembre, les députés de l’opposition affirment que le format actuel ne garantit ni équilibre ni équité. Ils reprochent particulièrement la réduction drastique du nombre total de questions, fixé à treize malgré la présence de plus de vingt-cinq ministères, ainsi qu’une répartition du temps de parole qu’ils jugent ouvertement favorable au camp présidentiel. La majorité poserait l’essentiel des questions dès le début de la séance, reléguant celles de l’opposition à la fin, ce qui, selon eux, vide l’exercice de son essence démocratique. Estimant qu’un débat déjà « faussé d’avance » n’a plus de sens, les députés concernés disent agir pour préserver la dignité du Parlement.

Ce boycott suscite toutefois des réactions critiques dans la classe politique. L’ancienne députée Adji Mergane Kanouté appelle l’opposition à ne pas « faire le vide » dans l’hémicycle, arguant que le Parlement demeure l’espace essentiel où doit s’exprimer la voix du peuple. Elle considère cette absence comme une erreur stratégique, particulièrement dans un contexte de fragilités économiques, de difficultés sociales et de dégradation du pouvoir d’achat, moments où les préoccupations des citoyens devraient être portées avec force auprès du gouvernement. Avec une majoritè ècrasante, des menaces et des invinctives, le Premier ministre Ousmane Sonko devra donc faire face à une séance largement amputée de ses contradicteurs, alimentant les interrogations sur la qualité du débat démocratique.

Pendant que la tension politique s’intensifie à l’Assemblée, Dakar devient simultanément le centre d’un important débat intellectuel et stratégique autour de l’avenir du continent. La capitale sénégalaise accueille en effet la première conférence internationale du réseau IDEAS-Africa, réunissant économistes, diplomates, universitaires et décideurs venus examiner les limites du modèle actuel d’intégration régionale africaine et proposer de nouvelles pistes pour l’avenir. Placée sous le thème « Repenser l’intégration régionale en Afrique : transcender les échecs du passé et affronter les défis d’un monde multipolaire », cette rencontre ambitionne de dépasser les approches traditionnelles fondées sur l’exportation de matières premières pour imaginer un développement plus autonome, fondé sur la coopération industrielle, la souveraineté économique et le renforcement du commerce intra-africain.

Les intervenants soulignent que le moment est charnière. Pour l’économiste Demba Moussa Dembélé, la montée du souverainisme dans plusieurs pays de la sous-région, notamment au Sénégal et dans les États du Sahel, ouvre une fenêtre d’opportunité pour construire une intégration africaine plus cohérente et plus robuste. Ndongo Samba Sylla, directeur Afrique du réseau, avertit qu’une Afrique divisée dans un monde multipolaire risque d’être absorbée par de nouveaux blocs d’influence, ce qui s’apparenterait à une forme renouvelée de domination extérieure. Les autorités présentes insistent quant à elles sur la nécessité de bâtir un modèle qui s’appuie sur les forces du continent sa jeunesse, ses talents, ses ressources et sa volonté croissante d’affirmation.

Ainsi, ces deux dynamiques, la crise institutionnelle à l’Assemblée et la réflexion panafricaine en cours à Dakar illustrent un même moment charnière,un pays et un continent en quête de nouveaux équilibres. D’un côté, l’espace politique sénégalais semble traversé par des fractures qui interrogent la qualité du débat démocratique. De l’autre, la société civile, les chercheurs et les décideurs africains cherchent à construire des modèles alternatifs capables de répondre aux défis économiques, géopolitiques et sociaux d’un monde en transformation rapide. Entre tensions institutionnelles et ambitions de renouveau, le Sénégal et l’Afrique se trouvent à un carrefour où se jouent des choix déterminants pour les années à venir.