À Cotonou, la Cour constitutionnelle examine ce lundi 20 octobre 2025 un recours introduit par le parti d’opposition Les Démocrates, contestant la légalité d’une ordonnance rendue par le tribunal de première instance de la ville. Cette décision de justice, rendue le 13 octobre, exigeait du parti et de son président Boni Yayi la restitution de la fiche de parrainage du député Michel Sodjinou, sous peine de son annulation par la Commission électorale nationale autonome (CENA). Elle autorisait par ailleurs l’institution électorale à remettre une nouvelle fiche au parlementaire en cas de non-exécution.
Dans la foulée de cette ordonnance, la CENA a procédé à l’annulation de la fiche initiale, transmise au parti Les Démocrates le 2 septembre dans le cadre des préparatifs à l’élection présidentielle prévue pour 2026. Le député Michel Sodjinou, se disant privé de son document, avait saisi le tribunal de Cotonou, qui lui a donné raison. Face à cette décision, la direction du parti a répliqué en introduisant un recours auprès de la Cour constitutionnelle, estimant que le litige relève exclusivement du juge constitutionnel.
Pour Les Démocrates, il ne s’agit pas d’un simple désaccord administratif, mais d’un différend d’ordre politique. Le parti considère que la question du parrainage électoral constitue un acte interne relevant de la souveraineté des formations politiques. Il dénonce ainsi une « ingérence judiciaire » dans ses affaires internes et conteste la compétence du tribunal de première instance pour statuer sur ce type de dossier. Selon un responsable du bureau politique, seule la Cour constitutionnelle peut légalement se prononcer sur la propriété ou la validité d’un parrainage dans le contexte électoral national.
Du côté du député Sodjinou, ses soutiens défendent la démarche judiciaire comme une mesure de protection de ses droits. Ils estiment que le refus de restitution de la fiche constitue un abus de pouvoir au sein du parti, allant à l’encontre de la liberté individuelle d’un élu de choisir librement son parrainage. Pour eux, la décision du tribunal vise à rétablir un équilibre et à garantir le respect de la loi électorale.
Au-delà de l’aspect juridique, cette affaire reflète les tensions internes qui traversent le principal parti d’opposition à l’approche des échéances électorales. Depuis la réforme constitutionnelle de 2019, l’obtention du parrainage est devenue une condition indispensable pour toute candidature à la présidence. Ce mécanisme, réservé aux députés et maires, confère à ces élus un pouvoir stratégique important, dans un paysage politique dominé par les formations proches du pouvoir. Les Démocrates dénoncent régulièrement une instrumentalisation du système de parrainage, qu’ils perçoivent comme un outil de marginalisation de l’opposition.
L’affaire Michel Sodjinou révèle ainsi les tiraillements entre discipline partisane et autonomie des élus. Elle met en lumière une crise de cohésion au sein de la formation dirigée par Boni Yayi, et pose plus largement la question de la gestion du parrainage dans le système électoral béninois.
La décision attendue de la Cour constitutionnelle pourrait créer une jurisprudence décisive. Elle devra notamment clarifier les compétences respectives des juridictions ordinaires et du juge constitutionnel en matière de contentieux électoral et de gestion interne des partis. Au sein de l’opposition, certains redoutent qu’un jugement défavorable n’accélère les divisions au sein des Démocrates et n’affaiblisse leur position en vue des législatives et de la présidentielle de 2026.
Alors que le pays entre dans une phase politique cruciale, le sort d’une fiche de parrainage devient l’enjeu symbolique d’un débat plus large sur l’équilibre entre les institutions, la démocratie interne des partis et les droits individuels des élus.