
Le pape Léon XIV s’apprête à réaliser le premier déplacement majeur de son pontificat en se rendant successivement en Turquie et au Liban, deux pays emblématiques des fractures et des espérances du Moyen-Orient contemporain. Cette tournée diplomatique, annoncée comme un moment fondateur pour son action internationale, doit permettre au souverain pontife de porter un message de concorde et de réconciliation dans une région éprouvée par les conflits, les tensions religieuses et les divisions politiques. Au Vatican, l’entourage du pape présente cette visite comme la mise en œuvre concrète de l’un des axes centraux de son pontificat avec le dialogue interreligieux comme instrument de stabilisation. Le Saint-Père veut démontrer que l’Église catholique peut jouer un rôle actif dans la construction de passerelles entre communautés antagonistes, à un moment où la méfiance identitaire s’accroît dans une grande partie du monde.
En Turquie, première étape de son voyage, le pape rencontrera les autorités politiques ainsi que des responsables musulmans et orthodoxes. L’enjeu dépasse la simple courtoisie protocolaire, il s’agit d’affirmer que la voie du dialogue reste possible, même dans un pays où les relations entre l’État, l’islam et les minorités religieuses se sont durcies ces dernières années. Certains analystes voient dans ce choix un geste courageux, destiné à rappeler que les tensions internes ne doivent pas empêcher un pays d’endosser un rôle d’interlocuteur majeur entre l’Orient et l’Occident. Cette visite pourrait aussi, de manière plus subtile, encourager Ankara à renouer avec une diplomatie d’apaisement, dans un contexte régional où la Turquie cherche à redéfinir sa place stratégique.
La seconde étape, le Liban, donne une dimension encore plus poignante à l’itinéraire papal. Le pays du Cèdre traverse une crise profonde, effondrement économique, paralysie institutionnelle, exode massif, fragmentation confessionnelle. La présence du pape y prend des allures de geste pastoral autant que politique. Le Vatican souhaite rappeler la nécessité de préserver le fragile équilibre intercommunautaire qui a, malgré tout, permis au pays de conserver une identité singulière au sein du monde arabe. Les chrétiens d’Orient, souvent relégués dans les discussions internationales, voient cette visite comme une reconnaissance de leur résilience, mais aussi comme une prise en compte de leurs vulnérabilités.
Pour Léon XIV, cette tournée revêt par ailleurs une importance personnelle. Jeune dans sa fonction et attendu sur le terrain diplomatique, il doit convaincre qu’il peut être un acteur crédible dans la résolution des crises globales. Son message de paix, bien qu’universel, se heurte à des réalités géopolitiques complexes. Pourtant, son insistance à venir sur un terrain miné par des décennies de conflits témoigne de la volonté de proposer un langage moral face à la fragmentation du monde. Le pape entend démontrer que la parole spirituelle peut encore influencer les trajectoires politiques, même dans des zones du globe où l’équilibre entre religion et pouvoir a été profondément bouleversé. Zaynab Sangare




































