La République centrafricaine est confrontée à une menace sérieuse pesant sur l’avenir de la Cour pénale spéciale (CPS), institution judiciaire hybride créée pour juger les crimes graves commis depuis 2003 dans le pays. Plusieurs voix, tant nationales qu’internationales, s’élèvent pour alerter sur les risques d’un effondrement de cette juridiction pourtant essentielle à la lutte contre l’impunité.

Créée en 2015 par une loi nationale et soutenue par les Nations Unies, la Cour pénale spéciale est composée de magistrats centrafricains et internationaux. Elle a pour mandat de juger les auteurs présumés de crimes de guerre, crimes contre l’humanité et autres violations graves du droit international humanitaire, notamment celles perpétrées par les groupes armés qui ont dévasté le pays au cours des deux dernières décennies.

Malgré les espoirs suscités par son lancement effectif en 2018 et ses premières enquêtes et audiences publiques, la CPS traverse aujourd’hui une période critique. Des défis structurels, financiers et politiques menacent sa survie. Les ressources budgétaires allouées par l’État sont insuffisantes, les financements internationaux peinent à suivre, et l’engagement politique nécessaire à son bon fonctionnement semble s’effriter.

Des organisations de défense des droits humains, telles que Human Rights Watch et Amnesty International, ont récemment tiré la sonnette d’alarme, dénonçant un abandon progressif de la Cour. Elles appellent le gouvernement centrafricain à réaffirmer son soutien à cette institution, et exhortent les partenaires internationaux à maintenir, voire renforcer, leur assistance technique et financière.

Le retrait progressif de certains bailleurs de fonds, combiné à un climat politique tendu, fragilise davantage une institution qui a pourtant réussi à instruire plusieurs dossiers emblématiques et à faire comparaître des suspects de haut niveau. Pour les victimes des violences passées et présentes, la CPS représente souvent la seule chance d’obtenir justice dans un pays où les juridictions ordinaires restent fortement affaiblies.

L’avenir de la Cour pénale spéciale est également perçu comme un test de la volonté des autorités centrafricaines de mettre en œuvre une véritable politique de justice transitionnelle. En l’absence de cette cour, le risque d’un retour généralisé à l’impunité est réel, avec pour conséquence possible une résurgence des violences et une perte de confiance de la population envers les institutions de l’État.

Dans ce contexte préoccupant, les appels à sauver la CPS prennent une dimension d’urgence. Magistrats, ONG, partenaires internationaux et société civile rappellent que l’engagement pour la justice ne peut être relégué au second plan dans un pays encore marqué par des années de conflit. La survie de la Cour pénale spéciale est perçue comme un indicateur majeur de la stabilité institutionnelle et de la reconstruction de l’état de droit en République centrafricaine.