L’archipel de São Tomé-et-Principe, petit État insulaire du golfe de Guinée, s’engage dans une initiative sans précédent pour renforcer son développement touristique grâce à une approche scientifique inédite dans la région. Avec le soutien des Nations Unies, le pays met en place ses tout premiers « Comptes satellites du tourisme », un outil statistique de pointe destiné à mesurer précisément l’impact économique du secteur.

Cette démarche marque une rupture nette avec les méthodes approximatives du passé. Jusqu’à présent, les autorités s’appuyaient sur des estimations floues et des décisions prises à l’intuition. Désormais, elles veulent piloter leur stratégie touristique à partir de données vérifiables, structurées, et mises à jour régulièrement.

Le 30 octobre, un sommet rassemblera ministres, bailleurs de fonds et professionnels du secteur dans la capitale. L’objectif : valider officiellement ce nouvel instrument statistique, qui révèle déjà un chiffre marquant le tourisme représenterait 11 % du PIB et 10 % de la valeur ajoutée brute du pays. Ces données, considérées comme une petite révolution, sont le fruit d’un an de travail coordonné par la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA), mobilisant 25 experts nationaux, dont des fonctionnaires, des chercheurs et des acteurs du secteur privé.

Selon les responsables du projet, l’impact de cette initiative dépasse les frontières santoméennes. Jean Luc Mastaki, directeur du bureau Afrique centrale de la CEA, souligne que l’expérience de São Tomé prouve qu’un petit pays peut se doter d’outils statistiques de haut niveau. Cette capacité à documenter, analyser et communiquer la performance du secteur touristique envoie un signal fort aux investisseurs de l’archipel n’est plus une destination imprécise, mais un marché maîtrisé, prévisible et transparent.

Le gouvernement de São Tomé pousse également l’innovation plus loin en s’engageant à publier régulièrement ces données. Cette transparence constitue un changement de culture dans une région où les discours sur le potentiel touristique sont rarement accompagnés de chiffres concrets. L’approche basée sur les faits impose une nouvelle discipline aux décideurs á rendre compte objectivement des performances du secteur, en chiffres et en résultats.

L’atelier technique prévu pour le 29 octobre, suivi du sommet politique du lendemain, pourrait marquer le début d’un modèle régional. Des pays voisins comme le Gabon, le Cameroun ou la Guinée équatoriale suivent déjà le processus avec attention, alors qu’eux-mêmes peinent à produire des statistiques touristiques fiables.

Au-delà des recettes générées, les futurs Comptes satellites permettront de mesurer des indicateurs clés tels que la création d’emplois, les importations liées à l’activité touristique ou encore les pressions sur les ressources naturelles. Cette vision élargie du tourisme comme levier de développement durable aligne São Tomé sur les standards internationaux déjà adoptés par des pays comme la France, l’Espagne ou Maurice.

L’objectif est clair, instaurer une production régulière, annuelle, de ces comptes, pour asseoir la légitimité économique du tourisme dans les politiques publiques. En s’inspirant des meilleures pratiques mondiales, São Tomé espère devenir un exemple pour l’Afrique centrale une sorte de « Maurice de l’Atlantique », où le cacao remplace la canne à sucre, mais où les ambitions touristiques n’ont rien à lui envier.