La Banque africaine de développement (BAD) a récemment proposé une révision du calcul du produit intérieur brut (PIB) des pays africains afin d’inclure la valeur de leurs ressources naturelles, telles que les forêts, les minerais, et les stocks de poissons. Cette initiative vise à mieux refléter la richesse du continent et à réduire la pression exercée par la dette. En 2018, le PIB officiel de l’Afrique était estimé à 2 500 milliards de dollars, un chiffre bien inférieur à la valeur totale de son capital naturel, évaluée à 6 200 milliards de dollars. Cette différence significative met en lumière le potentiel inexploité de ces ressources naturelles, qui, selon la BAD, pourraient redéfinir l’évaluation des économies africaines à l’échelle mondiale.
L’intégration des ressources naturelles dans le calcul du PIB permettrait non seulement de mieux refléter la véritable richesse des pays africains, mais aussi de rendre la dette plus supportable. L’initiative pourrait ainsi avoir un impact majeur sur la manière dont les créanciers et les investisseurs perçoivent les économies africaines, en tenant compte de leur potentiel écologique. Cependant, la mise en œuvre de cette révision soulève plusieurs défis, notamment celui de la monétisation effective de ces ressources naturelles. La question de leur valorisation dans les échanges mondiaux reste complexe, en particulier lorsqu’il s’agit d’utiliser des mécanismes tels que les crédits carbone pour financer la réduction de la dette.
L’une des préoccupations majeures réside dans le fait que la dette extérieure de l’Afrique subsaharienne a explosé ces dernières années, passant de 150 milliards de dollars à 500 milliards de dollars au cours des 15 dernières années. Bien que l’inclusion des ressources naturelles dans le calcul du PIB puisse améliorer la situation économique, le processus de transformation de cette richesse naturelle en instruments financiers tangibles reste un défi majeur. L’utilisation de mécanismes tels que les crédits carbone, censés valoriser les ressources naturelles et ainsi générer des financements, peine à convaincre. Si certains pays, notamment la Chine, soutiennent cette approche, elle demeure néanmoins limitée par des difficultés de mise en œuvre et de gouvernance.
Le soutien international à cette initiative reste encore fragile. Plusieurs acteurs du marché financier et des bailleurs de fonds restent sceptiques quant à la viabilité de ce modèle, notamment à cause des enjeux liés à la gestion durable des ressources naturelles et des difficultés à évaluer correctement leur valeur sur le long terme. Toutefois, si des solutions efficaces sont trouvées, cette révision pourrait transformer la manière dont le monde considère la richesse de l’Afrique et offrir de nouvelles perspectives pour le financement de son développement.
En fin, bien que l’inclusion des ressources naturelles dans le calcul du PIB semble être une démarche prometteuse pour redéfinir l’évaluation des économies africaines, elle soulève encore des questions complexes sur la gestion de ces ressources et la manière de les monétiser. Ce projet pourrait cependant jouer un rôle clé dans l’atténuation de la dette du continent et dans l’attraction d’investissements, tout en mettant en lumière la richesse écologique de l’Afrique, souvent négligée dans les calculs économiques traditionnels.
La première conférence AlUla sur les économies de marché émergentes, qui se tient en Arabie saoudite, rassemble des dirigeants financiers et des décideurs politiques du monde entier pour examiner les risques économiques mondiaux, avec une attention particulière portée sur la dette souveraine, les réformes structurelles et les politiques commerciales. Cet événement de deux jours, organisé par le ministère saoudien des Finances en collaboration avec le Fonds monétaire international (FMI), se déroule dans le contexte d’une instabilité économique mondiale, alors que les leaders cherchent des solutions pour renforcer la stabilité financière et la résilience des économies.
Le sommet, qui se déroule les 16 et 17 février à AlUla, un site historique en plein développement économique, marque une étape importante dans la volonté de l’Arabie saoudite de s’affirmer comme un acteur central dans les discussions économiques mondiales. Ce pays cherche à diversifier son économie dans le cadre de sa Vision 2030, en mettant un accent particulier sur la coopération et l’innovation pour naviguer dans un environnement économique mondial en pleine mutation. En accueillant cet événement, le Royaume met en avant son rôle croissant dans la formulation des politiques financières pour les économies en développement.
Le ministre saoudien des Finances, Mohammed Al-Jadaan, a souligné l’importance de la conférence pour aborder des problèmes économiques communs et favoriser une économie mondiale plus inclusive et résiliente. Selon lui, la coopération multilatérale est essentielle pour surmonter les défis économiques actuels. « Il n’y a pas de voie plus efficace qu’une large coopération multilatérale, et ce travail commence par des conversations comme celles que nous avons lors de cette conférence », a-t-il déclaré.
L’un des sujets les plus importants abordés lors de la cérémonie d’ouverture a été la question de la dette souveraine, que M. Al-Jadaan a qualifiée de menace majeure pour le progrès économique. « Puisque nous partageons tous les bénéfices, nous devrions également travailler ensemble pour faire face aux risques structurels tels que la dette souveraine, qui menace les acquis du développement », a-t-il insisté, soulignant la nécessité de solutions innovantes pour améliorer les mécanismes de restructuration de la dette mondiale.
La directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, a soutenu les propos de M. Al-Jadaan en mettant en lumière l’importance des marchés émergents pour la stabilité économique globale. Elle a rappelé que ces économies ont représenté les deux tiers de la croissance mondiale ces dernières années, malgré les chocs économiques. « Les marchés émergents devront être agiles, adaptables et résistants », a-t-elle ajouté, insistant sur la nécessité de réformes pour améliorer la compétitivité et la productivité dans un environnement marqué par l’inflation et une dette élevée.
Mme Georgieva a également salué l’initiative de l’Arabie saoudite d’établir un espace dédié aux discussions des marchés émergents sur les politiques économiques cruciales. Elle a mentionné le nouveau bureau régional du FMI à Riyad, qui joue un rôle essentiel dans la réalisation de cette vision. Ce bureau, le premier du genre au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, a été inauguré en avril dernier, et il marque une étape importante dans la coopération régionale.
Les discussions à AlUla se sont également centrées sur la nécessité d’augmenter les ressources du FMI pour soutenir les pays les plus vulnérables et les aider à surmonter les défis économiques croissants. En parallèle, M. Al-Jadaan a plaidé pour une coopération économique mondiale qui profite à toutes les nations. « Nous devons nous concentrer sur l’amélioration de la vie de nos concitoyens », a-t-il affirmé, appelant à des solutions gagnant-gagnant et à une coopération productive entre les pays du Nord et du Sud, ainsi qu’entre l’Est et l’Ouest.
En marge de la conférence, des accords importants ont été signés pour renforcer la coopération économique internationale. Le ministre saoudien des Finances et la ministre marocaine de l’Économie et des Finances, Nadia Fettah, ont signé un protocole d’accord pour renforcer la collaboration dans le secteur financier. Par ailleurs, un autre accord a été signé avec la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures pour promouvoir les investissements dans les infrastructures au Royaume.
Les discussions lors de cet événement devraient conduire à des recommandations concrètes pour aider les économies émergentes à renforcer leur stabilité financière et à promouvoir une croissance durable. Les participants examineront également le rôle de l’intelligence artificielle et de la transformation numérique dans l’amélioration des économies en développement. L’objectif global reste de favoriser la résilience économique et d’encourager une coopération accrue entre les économies avancées et émergentes, afin de construire un avenir plus équitable et durable pour toutes les nations. Zaynab SANGARÈ