Le Forum civil, en collaboration avec le tax Justice Network Africa a échangé sur le projet de renforcement de la justice fiscale au Sénégal. Ces deux entités ont fait une relecture et analysé les rapports d’évaluation des dépenses fiscales. La prise de décision en matière fiscale, précisent les analystes, devrait être inscrite au cœur de l’action gouvernementale. Et, les études sur le potentiel fiscal du Sénégal et celles portant sur les dépenses fiscales, devraient à son tour, permettre de mesurer en permanence, l’étendue des régimes d’exonération de taxes à l’origine d’une renonciation à des recettes substantielles.

La relecture et l’analyse des rapports d’évaluation des dépenses fiscales du Sénégal, faite au cours d’un atelier du Forum civil a permis de comprendre  sa complexité. Cette relecture rentre dans le cadre du projet de renforcement de la justice fiscale au Sénégal. Les experts, face à cette épreuve, ont décrypté le fait que l’évaluation budgétaire des mesures fiscales et douanières dérogent à la norme de droit commun. Elle est marquée par un souci constant d’amélioration du dispositif d’évaluation, à travers le renforcement et l’élargissement des outils, des méthodes et du champ de la collecte des données.

Les dépenses fiscales, découvre-t-on, constituent des outils indispensables de politique économique et sociale à la disposition de l’Etat. Elles permettent d’appuyer certaines couches de la population ou certains secteurs d’activités. Ces dépenses fiscales, devant être mesurées et annexées à la loi de finances et de règlement, impactent en ce sens, le budget de l’Etat. Cette exigence, en conformité avec les engagements communautaires du Sénégal au sein de l’UEMOA vise à améliorer la transparence de la gouvernance des finances publiques.

Évaporation fiscale et absence de traçabilité

Malgré le rôle de pionnier du Sénégal dans la zone Uemoa, l’évaluation fiscale bute la complexité de disposer de données fiables. L’inaccessibilité à l’information, et le manque à gagner sur le taux des mesures recensées et non évaluées relève-t-on, bloque la pertinence, l’efficience des retombées et des performances. Alors que les principes prioritaires devraient être la production de finances publiques résilientes.

Face aux multiples dérogations accordées à des multinationales et autres entreprises non répertoriés dans la collecte des données, le Sénégal entraîne des pertes de milliards de FCFA. Ces montants importants sans traçabilité, constituant une évaporation fiscale permanente, contribuent annuellement à la baisse des recettes économiques du pays. Raison pour laquelle, des épris de justice et d’équilibre se demandent la nature de la prestation de DSK, cité dans le rapport de Pandorama papers, la source de ces fonds qui lui seraient versés. Difficile d’estimer les montants que l’ancien DG du FMI a ramassé sans en savoir si les taxes et les impôts ont été versé au Sénégal.

Inaccessibilité aux données

L’autre aspect souligné reste l’impossibilité de recouvrer l’Impôt indirect, la TVA, déterminer les fonds dérivés de la livraison des biens et des prestations de service. L’inaccessibilité aux données liées aux Taxes sur les opérations financières, la TVA dans le secteur bancaire et TCA sur les secteurs d’assurance, les taxes spécifiques sur le tabac, le thé, les boissons gazeuses, contribuent à l’inexhaustivité des rapports des corps de contrôles étatiques.

Ces mêmes manquements relevés fréquemment ainsi que les retards de publication des rapports. Comme ce fut le cas des rapports de 2016, 2017 et 2019 impactent directement sur la transparence des finances publiques.

Après les multiples réclamations et revendications de la société civile, les autorités sont sorties pour dire que les rapports étaient disponibles. Mais, ils devaient aller ensemble. Alors que les modalités communes d’évaluations des dépenses du budget des Etats est bien définie par l’UEMOA. Et, parmi les trois méthodes que les Etats utilisent pour évaluer leurs dépenses fiscales, le Sénégal a utilisé la 3e méthode (voire doc UEMOA), qui mise sur l’évaluation par catégorie, ce qui ne laisse pas apparaître tous les détails sur les exonérations. 

Potentiel de l’évaluation fiscale

Le potentiel de l’évaluation fiscale laisse un vide apparent. D’après les experts, si toutes les dépenses étaient évaluées, le Sénégal serait à 339 normes de mesures fiscales. Mais, la répartition des mesures évaluées et le régime d’imposition laissent voir  le contraire des attentes. Constat, depuis 2015, des composantes manquent à l’audit de la fiscalité. Lesdits manquements ont fait que d’autres rapports sont plus exhaustifs que ceux du Sénégal. C’est le cas de la Côte d’ivoire qui tient compte de plusieurs facteurs pour déterminer ses revenus fiscaux. 

Le Sénégal connaît un réel problème d’exhaustivité sur l’évaluation des 339 mesures. Considérant le régime de droit commun, il a été répertorié  177 mesures communes recensées, dont 150 mesures évaluées.  Sur  les régimes dérogatoires, 162 recensés et 112 évalués. D’où un total de 339 recensées et 262 évaluées.

L’accès à l’information, insiste-t-on, devrait être facile pour mieux aider à mesurer l’exhaustivité des rapports d’évaluation. Et, la transparence est exigée dans l’évaluation des données fiscales du Sénégal qui se projette vers l’exploitation de son pétrole. D’après ces experts, un flou gravite autour de l’attribution des permis de recherches et le niveau d’implication de certains intervenants, dont Frank Timis. Rien de transparent n’a été fourni aux administrés. Une situation qui devrait être prise au sérieux vue que le Sénégal tant vers l’exploitation du gaz et du pétrole. 

Les interdits, évoqués dans les Articles 715 et 716 du code général des impôts devraient être levées. Puisque le Sénégal a signé une convention fiscale avec 23 pays. Les droits de l’Hommistes demandent à l’Etat du Sénégal de lever la loi sur le Secret défense des Forces armées afin de faciliter la transparence fiscale.

Manque-à-gagner de 677 milliards de FCfa entre 2016-2017

L’évaluation budgétaire des dépenses fiscales de l’année 2017, tout comme celle de 2016 a enregistré en termes de coût budgétaire, un manque-à-gagner de 677 milliards de FCfa, soit près de 37,1 % des recettes fiscales de l’Etat et 5,7% du PIB. Les règles d’imposition ont toujours connu des dérogations afin d’alléger la charge fiscale de certains contribuables ou secteurs d’activités. Ces dérogations peuvent prendre différentes formes telles que l’exonération fiscale, la déduction d’impôt et le taux d’imposition favorable.

Connaître le coût budgétaire des dépenses fiscales devient nécessaire pour une meilleure transparence financière du budget général de l’Etat. Et, pour une plus grande rationalisation en matière d’allocation des ressources. Exemple en 2017, le taux de couverture de l’évaluation est aussi passé de 73 à 73,7 % des mesures recensées. Celles-ci se chiffrent à 677 milliards de FCfa, soit près de 36,7 % des recettes fiscales effectives de l’Etat et 5,7% du PIB.