Les côtes sénégalaises, berceaux de vies économiques et culturelles, font face à des menaces grandissantes liées à l’érosion et aux effets du changement climatique. Le projet de protection côtière pour l’île de Gorée et les plages de l’Université Cheikh Anta Diop (UCAD) de Dakar et de l’Anse Bernard a pour ambition de sécuriser ces zones vulnérables. Mais à quel prix ?

Le coût total des mesures environnementales et sociales du projet de protection côtière se chiffre à 54 650 000 F CFA pour l’île de Gorée et 71 750 000 F CFA pour les plages de l’UCAD et de l’Anse Bernard, hors taxes. Ces sommes incluent des actions spécifiques en matière de gestion des ressources naturelles et de suivi environnemental. Par exemple, pour Gorée, la mise en place d’un suivi environnemental est prévue à hauteur de 5 400 000 F CFA, tandis que l’évaluation finale coûtera 15 000 000 F CFA. Ces chiffres font partie d’un budget global qui pourrait dépasser les attentes initiales, avec des provisions pour écarts entre estimations et coûts réels.

Bien que l’investissement semble substantiel, le projet inclut des mesures de compensation pour les populations impactées, ainsi qu’un mécanisme de gestion des plaintes, montrant l’intention d’un suivi rigoureux des impacts sociaux et environnementaux.

Le projet vise à réduire la vulnérabilité de l’île de Gorée aux phénomènes érosifs, améliorer la gestion des risques naturels et anthropiques et restaurer le potentiel économique des zones côtières. Mais ces objectifs positifs viennent avec leur lot de conséquences et de mesures d’atténuation, confirme un résident de l’île accroché.

Les travaux, qui incluent notamment le déboisement, le défrichement et le dessouchage, pourraient affecter la végétation locale. Pour limiter cet impact, une concertation avec la commune de Gorée est prévue pour déterminer le site d’implantation et préserver les espèces ligneuses. Pourtant, des questions demeurent sur la véritable ampleur de la dégradation de la flore locale.

L’un des risques sous-estimés concerne les ressources en eau. Les travaux d’aménagement pourraient affecter l’accès et la qualité de l’eau pour les communautés locales. Bien que certaines mesures d’atténuation soient mentionnées, les détails concernant les actions concrètes restent flous. Il est donc difficile d’évaluer l’efficacité de ces mesures dans un contexte où l’eau reste une ressource précieuse, notamment à Gorée, où l’accès à l’eau douce est déjà limité.

Le secteur de la pêche, vital pour les communautés côtières, risque d’être perturbé pendant la phase de travaux. Des mesures de sécurisation de la zone maritime et une gestion des périodes de pêche sont prévues, mais les pêcheurs pourront-ils vraiment s’adapter à ces nouvelles restrictions sans perdre leurs revenus habituels ? «Des compensations financières sont évoquées, mais le plan d’accompagnement semble insuffisant pour apaiser les inquiétudes des acteurs locaux», ajoute, Diagne, un pêcheur saisonnier des côtes.

Les risques sanitaires liés à l’extraction des enrochements et aux conditions de travail sur le chantier sont également une préoccupation. La présence de maladies transmissibles, telles que les infections sexuellement transmissibles parmi les travailleurs, et les risques d’accidents, dont des noyades, sont des enjeux non négligeables. Des mesures de prévention, telles que des dépistages volontaires, sont proposées, mais l’application rigoureuse de ces mesures reste à vérifier sur le terrain.

Un des points positifs du projet est la mise en place d’un mécanisme de gestion des plaintes, ainsi qu’un suivi des impacts sociaux et environnementaux. Cependant, pour que cette approche soit réellement efficace, il est crucial que la transparence et l’accessibilité des informations soient assurées. Les populations locales devront avoir un accès facile au rapport final du projet, qui sera disponible à la Direction des Ressources en Eau et de l’Environnement (DREEC) de Dakar et dans les communes concernées.

Des consultations publiques ont été menées avec les parties prenantes, mais la véritable acceptabilité sociale du projet ne se mesurera qu’au travers de l’efficacité de ces consultations et de l’appropriation des résultats par les communautés affectées.

Le projet de protection côtière de Gorée et des plages de l’UCAD soulève des questions essentielles sur l’équilibre entre les besoins de développement et la préservation des écosystèmes et des moyens de subsistance locaux. Si l’objectif de protéger ces zones fragiles est louable, les impacts sociaux et environnementaux nécessitent une attention soutenue. Les risques liés à la perturbation des activités économiques, à la santé des travailleurs, ainsi qu’à la gestion des ressources naturelles, doivent être pris en compte dans l’ensemble du processus de mise en œuvre.

Il est impératif que les autorités et les entreprises responsables de ce projet assurent une transparence totale et une communication constante avec les communautés locales pour éviter que les promesses de développement ne se transforment en une nouvelle forme de précarité pour les habitants des zones côtières. Un suivi rigoureux des impacts, une gestion transparente des plaintes et un véritable accompagnement des populations affectées seront essentiels pour garantir que le projet atteigne ses objectifs sans sacrifier les conditions de vie des Sénégalais qui en dépendent.

Enquête réalisée par Zaynab Sangarè